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12 novembre 2008

Questions internationales

La délimitation des espaces maritimes

I) La zone de souveraineté

L’Etat côtier est souverain dans la zone de souveraineté.

A) Territoire terrestre

Il s’étend jusqu’à la ligne de base de la mer territoriale.

B) Mer territoriale

12 milles marins au-delà de la ligne de base.

II) La zone économique exclusive

L’Etat côtier y exerce des droits souverains pour la pêche et les ressources minérales. Il a compétence pour la recherche scientifique sous-marine et la défense de l’environnement marin. Les Etats tiers bénéficient de la liberté de la navigation, du survol et de la pose de câbles et pipe-lines. La ZEE s’étend à 200 mille marins (art. 57 de la convention de Montego Bay)



A) La zone contiguë

24 milles marins au-delà de la ligne de base

B) Le plateau continental hors zone contiguë

Selon la définition juridique, il s’étend à 200 milles marins au-delà de la ligne de base même en l’absence de plateau continentale au sens physique. Des extensions sont toutefois possibles jusqu’à 350 milles marins au maximum.

III) La haute mer

Tous les Etats y exercent des libertés notamment la pêche et la recherche scientifique marine.

A) Le plateau continental en haute mer

Il comprend le talus et le glacis. L’Etat côtier exerce sa souveraineté sur les richesses du sol et du sous-sol et a compétence pour la recherche scientifique sous-marine (art. 77 de la convention de Montego Bay)

B) La zone internationale des fonds marins

Elle constitue le patrimoine commun de l’humanité. Son exploitation par les Etats et les entreprises passe par un contrat avec l’Autorité des fonds marins.

Libellés :

08 novembre 2008

Finances publiques

Loi du 28 octobre 2008 relative à la Cour des Comptes et aux Chambres régionales des Comptes?

Cette loi modifie le code des juridictions financières afin de mieux répondre aux exigences de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.
Les enjeux tournent autour des droits de la défense. A l'appellation de commissaire de gouvernement se substitue celle de représentant du ministère public. Il n'assiste pas au délibéré. Surtout c'est la fin du double arrêt.

Sujet de l'ENA:
La CEDH, le Conseil d’Etat et le juge des comptes

Pendant longtemps seul le CE faisait figure de juge de cassation pour vérifier que les règles de droit étaient respectées par le juge des comptes=> L’équité de la procédure, n’était encadrée que par les règles nationales. En dépit de la lourdeur des sanctions applicables par le juge des comptes (CRC et Cour des Comptes), juge administratif et juridictions financières se refusaient à reconnaître l’applicabilité de l’art. 6§1 de la CESDHLF et souscrivaient à la fiction juridique : les juridictions financières juge les comptes et non les comptables. Mais le recours croissant à la CEDH a eu pour conséquence la remise en cause cet équilibre.

I) Une position traditionnelle tendant à s’infléchir sous l'effet de la jurisprudence de la CEDH

A) La position traditionnelle des juridictions françaises: une protection relative des droits de la défense


Il ne faut pas qu'un rapport public de gestion évoque au préalable une future affaire contentieuse (CE 23 février 2000 Labor metal) car ça ressemble à un préjugement de la Cour des comptes.
Faire la part entre magistrat financier ayant connu l'affaire en activité non juridictionnelle (contrôle de gestion) et participation au jugement (CE 6 avril 2001 Ratzel).

Mais une position orthodoxe: la participation du commissaire du gouvernement au délibéré à la fois au CE et à la CCpte.
CE 30 octobre 1991 Dussine:la CDBF prononce des amendes qui ne sont ni pénales ni civiles donc pas d'application de l'art. 6§1 de la CEDH.


B) Des arrêts de la CEDH quant à l’équité de la procédure

CEDH 2000 Kress: interdit au commissaire du gouvernement d'assister au délibéré car théorie des apparences.
CEDH 12 avril 2006, Martinie c/ France: interdit aussi de participer; les juridictions fnancières sont concernées.

II) Les aménagements consentis en matière de procédure susceptibles d’être renforcés


A) Les aménagements timidement consentis en matière de procédure

Décret du 19 septembre 2005:permet au commissaire du Gouvernement d’assister, sans y participer.
Sous l'effet de la jurisprudence Martinie=> le décret du 1er août 2006 permet au commissaire du Gouvernement d’assister, sans y prendre part, au délibéré des formations de jugement du Conseil d’État sauf si une des partie s'y oppose (CE 25 mai 2007 Courty). Courty attaque le décret mais perd car la possibilité de s'opposer est une garantie de procès équitable.



B) Des bouleversements profonds

La CDBF (Cour de discipline budgétaire et financière) doit consentir à des audiences publiques car art. 6§1 est applicable: CE 30 cotobre 1998 Lorenzi et CEDH 26 septembre 2000 Guisset.
Loi du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (CRC): changement d'appelation du commissaire du gouvernement devenu représentant du ministère public.



La jurisprudence relative au sujet:

CE 19 juin 1991, ville d'Annecy c/ Dussolier.

CE 16 novembre 1998, SARL Deltana et Perrin.

CE 23 février 2000, Labor Metal.

CE 6 avril 2001, SA Entreprise Razel frères et Le Leuch.

CEDH 7 octobre 2003, Richard-Dubarry c/ France.

CEDH 12 avril 2006, Martinie c/ France.

CEDH, Pellegrin c/ France, 8 décembre 1999.

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Questions européennes

Sujet : Service public et droit communautaire sont-ils compatibles ?

Introduction :


L’actualité met en exergue la remise en cause de certains monopoles publics. Des sanctions de la Cour de Justice des Communautés européennes sont prononcées à l’encontre de France Telecom ou au sujet de la mise en concurrence d’EDF-GDF.
Le service public désigne tantôt les activités et missions d’intérêt général, tantôt l’ensemble des organismes publics ou privés chargés des missions d’intérêt général. Il s’organisait exclusivement en fonction des normes de droit interne jusqu’à l’avènement du droit communautaire, fruit de la construction européenne. Relevant du droit international, le droit communautaire s’impose aux Etats signataires. A l’instigation de la Commission européenne, le juge communautaire sanctionne les atteintes au droit de l’Union européenne.
Or, les règles libérales édictées par ledit droit se trouvent en contradiction avec le principe même du service public. Les privilèges de tarification, les monopoles publics et d’une façon générale toute atteinte aux principes du droit de la concurrence qui visaient naguère à servir l’intérêt général s’opposent donc à la vision libérale de l’Union européenne. Assurément se pose donc le problème de la compatibilité du service public à la Française et du droit communautaire. S’agit-il d’une incompatibilité fondamentale ou apparente ? Une conciliation est-elle possible ? Comment assurer la cohérence juridique du droit interne et du droit communautaire ?
Un divorce apparent entre service public à la Française et droit communautaire est indéniable (I), mais un mariage possible et nécessaire s’opère entre service public et droit communautaire (II).





I) Un divorce apparent entre service public et droit communautaire

D’une part, des divergences entre droit français du service public et droit communautaire de la concurrence sont constatés. D’autre part, la cohabitation des deux ordres juridiques est une source de difficulté.



A) Des divergences entre droit français du service public et droit communautaire

Il convient de spécifier la conception du service public à la Française et de montrer la différence de l’optique libérale de l’Union Européenne.
Du fait de la spécificité du service public, à savoir l'intérêt général, ces activités ne sont pas soumises aux même règles que celles qui s'appliquent aux personnes privées dans leurs activités qui ne relèvent pas du service public. C'est pourquoi, les activités de service public doivent être placées sous un régime dérogatoire au droit privé. Elles se voient appliquées des obligations particulières, appelées " lois de Rolland ".Ces lois de Rolland sont constitués de trois principes fondamentaux : il s'agit des principes d'égalité, de continuité et de mutabilité des services publics.
En droit français, le principe d'égalité est l'un des éléments fondateurs de notre ordre juridique. Le juge administratif français doit donc veiller à son respect dans le cadre national, quitte à l'adapter quand une différence objective de situations risque d’engendrer une iniquité de fait En revanche, l’égalité n'est qu’au service d’un principe supérieur en droit communautaire qui est la concurrence. Cette différence essentielle entre l'ordre juridique national et l'ordre juridique européen explique la divergence des jurisprudences.

B) La cohabitation du droit communautaire et du service public: une source de difficulté

La cohabitation difficile se traduit par des aménagements nécessaires pour prendre en compte le droit européen de la concurrence.
L’arrêt Corbeau du 19 mai 1993 a posé des limites au monopole public qui n’est plus justifié dès lors qu’il s’agit d’un service commercial complémentaire au service de base d’impérieuse nécessité pour l’intérêt général.Tant que le service complémentaire et accessoire ne met pas en péril le service d’impérieuse nécessité, il n’y pas lieu de restreindre la concurrence. Le droit national doit donc prendre acte de cette distinction. Les traditions juridiques se heurtent, en l’occurrence à la jurisprudence communautaire.
Paradoxalement, c’est au travers d’une exception au principe d’égalité admis par la jurisprudence, que le droit interne entre en conflit avec le droit communautaire.
Sous certaines conditions, des tarifs préférentiels peuvent être accordés aux résidents pour l'accès aux services publics locaux. Ce choix jurisprudentiel vise à assurer non plus une stricte égalité devant le service public mais une égalité au sein et catégories différentes d’usager couplé à une « équité » entre usagers de catégories différentes.
Dans un arrêt du 10 mai 1974 (Dénoyez et Chorques), relatif aux tarifs du service de bacs reliant alors l'Île de Ré au continent, le Conseil d'Etat a défini les conditions de cette dérogation au principe d’égalité. Ainsi, pour être autorisée, la fixation de tarifs différents applicables à diverses catégories d'usagers du service public doit être soit la conséquence d'une loi, soit justifiée par l'existence de différences appréciables de situations entre les usagers, soit par une nécessité d'intérêt général, en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage.
La discrimination tarifaire fondée sur la domiciliation est reconnue par le juge administratif dès lors que le service n’est pas obligatoire. Il en va ainsi entre enfants résidant dans une commune et les autres pour la tarification d’une cantine scolaire (CE 5 octobre 1984 Commissaire de le République de l’Ariège).
La discrimination tarifaire fondée sur les ressources familiales est aussi admise par, le Conseil d'Etat, (29 décembre 1997 - commune de Gennevilliers et commune de Nanterre).Dans son arrêt du 16 janvier 2003, la Cour de justice des Communautés européennes va à l’encontre de la jurisprudence du Conseil d’Etat. La Commission a engagé devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) un recours à l'encontre de la République italienne, au motif que des tarifs préférentiels à l’entrée de musées locaux en fonction de l’âge, de la résidence et de la nationalité étaient contraires au droit communautaire.
La contradiction entre la jurisprudence du Conseil d'Etat et celle de la Cour de justice des Communautés européennes s’expliquent par les différences intrinsèques des sources de droit que chacun des deux juges sont respectivement chargés, en l'espèce, d'appliquer.
Suite à l’arrêt du 16 janvier 2003 de la CJCE, de nombreuses communes françaises s'interrogent sur une éventuelle remise en cause des tarifs préférentiels accordés à leurs administrés pour l'accès aux services publics. Quoi qu'il en soit, une interrogation réelle sur la conformité au droit européen des tarifs préférentiels d'accès aux services publics locaux se pose et appelle des ajustements dans l’ordre juridique national.



Transition : Certes, des différences de conception entre droit public français et droit communautaire sont indéniables. La prise en compte des normes juridiques communautaires en droit interne ne vont pas sans difficulté. Nonobstant ces réalités, l’incompatibilité du service public et du droit communautaire n’apparaît pas insurmontable. Dans quelle mesure peut-on concilier les deux ordres juridiques sur la question du service public?



II) Un mariage possible et nécessaire entre droit français du service public et droit communautaire

Des efforts sont effectués de part et d’autre pour concilier service public et normes communautaires (A). La prééminence du droit communautaire permet d’assurer la sécurité juridique (B).


A) Des efforts partagés entre les deux ordres juridiques : une conciliation nécessaire

D’une part, des concessions de l’UE permettent de déroger au libéralisme permettant ainsi le maintien des services publics. D’autre part, le droit communautaire est pris en compte en droit interne.
L'Europe est fondée sur la libre concurrence, et a mis longtemps à reconnaître l'existence des services publics. En toute rigueur, le Traité de Rome ne condamne pas le service public. Il impose seulement des conditions et un cadre à son existence. En l’absence de notion de service public en droit communautaire, la notion de service universel a été élaborée au niveau européen
La Commission européenne définit ce concept comme un ensemble d'exigences d'intérêt général auxquelles devraient se soumettre, dans toute la Communauté, certaines activités. Elle ajoute que les obligations qui en découlent visent à assurer partout l'accès de tous à des prestations essentielles, de qualité et à un prix abordable. Il repose donc sur des principes essentiels du service public que nous connaissons en droit français : égalité, continuité. Dans ce cadre, le monopole d'origine étatique peut se justifier. L'article 86 ex-90 du Traité dispose que les Etats membres, lorsqu'ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs aux entreprises ou à leurs entreprises publiques doivent ne pas se mettre ou ne pas les mettre en contravention avec le droit de la concurrence. Le paragraphe 2 stipule quant à lui que les entreprises en charge d'un intérêt économique général y sont également soumises « dans la limite où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie ». L'article 86 ex-90 concerne l'impératif des lois du marché et l'article 86 ex-90 l'impératif du pouvoir étatique de concevoir une politique économique et de servir ses missions de service public. Le service public est donc l'exception au marché. Il n’existe qu’à titre dérogatoire au système de marché. Il n’est légitime que pour autant qu’il correspond à la notion européenne intérêt économique général au sens communautaire.
Il y a deux principes qui sont à l’œuvre dans le Traité de Rome, celui du marché d'une part, celui du service public d'autre part. Les deux concourent doivent concourir à la prospérité économique et social. Le marché assure la prospérité économique générale par son efficacité. Le service public garantit à chacun le minimum et promeut la vie sociale. Logique de marché et logique de service public constituent donc deux instruments alternatifs pour un même but général que se fixe le Traité de Rome : la prospérité du consommateur.
La notion de service d'intérêt économique général permet de conserver des monopoles publics, évitant ainsi la privatisation et dissolution complète de ces services Si la notion service d'intérêt économique général de n'est pas expressément définie par le Traité de Rome, les conditions d'application de l'article 86 ex-90 sont en revanche davantage identifiées. La reconnaissance d'un service d'intérêt économique général au sens de l'article 86-2 ex-90-2 passe par quatre conditions.

Premièrement, l'entreprise doit pouvoir se prévaloir d'un acte de délégation de service public même si la Communauté laisse les Etats membres libres de définir les missions d'intérêt général, et d'octroyer aux entreprises qui en sont chargées les droits spéciaux ou exclusifs nécessaires pour assurer ses missions.
Deuxièmement, l'entreprise doit pouvoir établir que les tâches particulières confiées par la puissance publique constituent bien des MIEG
Troisièmement, l'article 86-2 dispose en effet que les règles de concurrence ne peuvent être appliquées que dans la mesure où « l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière impartie [à l'entreprise] ». L’entorse aux règles de la concurrence doit être nécessaire même si l’entreprise fournit un service d’intérêt économique général. Un test de proportionnalité permet au juge communautaire de censurer les entraves abusives à la concurrence sous prétexte de service d’intérêt économique général.
Quatrièmement, le respect de l’intérêt communautaire demeure.

Il faut souligner la prise en compte du droit communautaire en ce qui concerne la légalité de certaines activités économiques émanant de personne morale privée et publique. Le meilleur exemple de ce volontarisme libéral du législateur français est l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

B) La prééminence du droit communautaire en droit interne: un mariage forcé

La primauté du droit communautaire est effective et garantit ainsi la sécurité juridique. Et l’invocation des règles communautaires en droit interne remettent en cause la légalité de certains services publics.
En droit international, les traités s’imposent aux Etats faute de quoi leur responsabilité internationale. Pour le droit communautaire, la cour de justice, par l’arrêt Costa c/ ENEL (15 juillet 1964), a affirmé le principe de la primauté du droit communautaire. Bien que le traité de Rome ne pose pas un principe général de primauté, par l’arrêt Costa, la Cour de justice invoque non seulement les termes du traité, mais aussi son esprit. Dès 1963, dans l’arrêt Van Gend en Loos, elle avait affirmé le principe d’intégration du droit communautaire dans le droit national. Faute de stipulation explicite de cette primauté dans le Traité, c’est donc par la jurisprudence que la prééminence du droit communautaire s’est affirmé.
Dans l’arrêt Van Gend en Loos, la Cour de Justice des Communautés Européennes avait tempéré sa position en déclarant : " les Etats ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains ". Les termes de l’arrêt Costa affirment ce principe avec davantage de netteté : " le traité a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres et qui s’impose à leurs juridictions ". L’application uniforme du droit communautaire est ainsi garantie.
Le Conseil d’Etat a longtemps refusé de faire prévaloir les traités sur les lois postérieurs contraires (C.E. 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules de France ).En 1989, il s’est finalement résigné à appliquer le principe de primauté du droit communautaire en s’appuyant sur l’article 55 de la constitution (C.E. 20 octobre 1989 Nicolo).

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Finances publiques

La gestion de fait

Introduction :

Principe de séparation des ordonnateurs vise à sécuriser le circuit de la dépense (art 20 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique) : « Les fonctions d'ordonnateur et celles de comptable public sont incompatibles. »
But : éviter la prise illégale d’intérêt et détournement de fonds.
Conséquence : ordonnateur (= personne qui engage recettes ou dépenses) ne peut manier des deniers publics sans autorisation, sinon immixtion dans fonctions du comptable public=>gestion de fait.
D’autres personnes peuvent être déclarés coupables de gestion de fait, pas seulement les ordonnateurs. Soit complices de l’ordonnateur (sociétés, associations), soit toute une personne qui s’ingère dans recouvrement de recettes publiques.



I) Les agissements constitutifs de gestion de fait[1]

A) Du point de vue des recettes

1) Ingérence dans recouvrement des recettes publiques

1ère hypothèse : Ingérence dans recouvrement des recettes publiques

Modalités : taxes, redevances et produits domaniaux.
Exemple : percevoir sans titre légal des recettes d’un théâtre municipal
Cour des comptes 15 mai 1997 Institut de France : une association qui perçoit des indemnités d’utilisation de locaux d’un établissement public
Cour des comptes 7 avril 1998, Commune de Gourbeyre : un maire qui perçoit une contribution prétendument volontaire pour un permis de construire

Exception : grâce à régies de recettes, ordonnateur peut percevoir des recettes mais sous contrôle du comptable public


2) Deniers privés réglementés

2ème hypothèse de l’art 60-XI de la loi de finances de 1963 : fonds et valeurs de tiers (=deniers privés réglementés).

Fonds et valeurs de personnes privées sous la surveillance du comptable public.
Exemple : caution aux offices publics HLM, fonds et valeurs des malades hospitalisés




B) Du point de vue des dépenses : extraction irrégulière de fonds publics

Exception : régies d’avance pour dépenser sous contrôle du comptable public.

1) Théorie du mandat fictif

3ème hypothèse de l’art 60-XI de la loi de finances de 1963
Mandat fictif= mandat régulier en apparence mais reposant sur des déclarations fausses=>le comptable ne peut refuser la dépense.
Mandat pour une autre prestation que celle mentionnée[2].
Cour des comptes 27 septembre 1989 Service d’information et de diffusion du Premier ministre : surfacturation de travaux d’études très brèves et rétribution postérieure.

2) Théorie de la transparence

Création d’association pour échapper aux règles de la comptabilité publique. Ordonnateur verse des subventions mais a le contrôle sur l’usage des fonds. Le juge des comptes procède par faisceaux d’indice pour vérifier que l’association est indépendante : existence d’une convention, membres du conseil municipal pas majoritaires, dépenses pour l’objet de l’association.

Cour des comptes, 4 août 1944, Lamirand :
Secrétaire général chargé de la jeunesse verse des subventions à 2 associations auxquelles il donnait des instructions pour l’usage des fonds=> juge des comptes a considéré que c’était une caisse occulte, car servait aux dépenses revenant au secrétariat.

Maire maîtrise les dépenses même si association formellement indépendante[3].

II) Procédure et sanctions prévues en cas de gestion de fait

A) La procédure auprès du juge des comptes

1) Déroulement

Soit Cour des comptes, soit Chambre régionale des comptes
Procédure écrite. Double arrêt : provisoire et définitif. Audience publique.
Loi de 2001 relative aux CRC et à la Cour des Comptes [4]: magistrat instructeur ne participe plus au délibéré
Délai de prescription de 10 ans

2) Garanties au défendeur

CE 23 février 2000 Labor Metal : pas évoquer la gestion de fait dans rapport public avant contrôle juridictionnel
CE 6 avril 2001 Entreprise Razel : magistrat du contrôle de gestion ne doit pas participer au jugement
CE 16 novembre 1998 Perrin : caractère répressif au sens de l’art. 6§1 de la CEDHSLF

B) Les sanctions en cas de gestion de fait

1) Les sanctions auprès du juge des comptes

Le comptable de fait est soumis au même régime que comptable patent, et même plus grave car pas d’allègement ou d’annulation par ministre des finances.
Amende
Mise en débet
Obligation de reverser les sommes manquantes
Perte de qualité d’ordonnateur des dépenses pour l’élu, du coup c’est l’adjoint ou le vice-président qui ordonne les dépenses.


2) Les sanctions complémentaires éventuelles auprès du juge pénal

Le code pénal prévoit des sanctions proches=> pas de cumul d’amende pour l’usurpation de fonction mais cumul pour le reste (art L121-11 du code des juridictions financières).
L433-12 du CP: usurpation de fonction (3 ans de prison et 45 000 euros d’amende).

La gestion de fait n’est pas une qualification pénale mais peut être accompagné d’infractions pénales (art 60-XI de la loi de finances du 23 février 1963).
L441-1 du CP : faux et usage de faux (3 ans de prison et 45 000 euros d’amende).
L432-12 du CP : prise illégal d’intérêt (5 ans de prison et 75 000 euros d’amende).
L432-14 du CP : délit de favoritisme pour les marchés publics (2 ans de prison et 30 000 euros d’amende).




Conclusion :

La lourdeur des anciennes sanctions prévues qui s’accompagnaient d’inéligibilité suscitaient ont conduit à des infléchissements. La gestion de fait peut résulter d’un maniement sans titre légal mais de bonne foi. Très peu de cas de gestion de fait depuis donc il semble qu’on soit parvenu à un bon équilibre entre respect du principe fondamental de séparation des ordonnateurs et des comptables et sanctions non excessives. Mais sa philosophie est ambivalente entre logique de régulation et logique de sanction.

[1] Art. 60-XI de la loi de finances du 23 février 1963
[2] Cour des comptes, 15 janvier 1875 Préfet de l’Eure Eugène Janvier de la Motte

[3] Cour des comptes, 9 décembre 1993, Comité des fêtes
[4] Loi n°2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux CRC et à la Cour des

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Questions sociales

L’insertion des handicapés



Suite à l’annonce du le Prés de la République le 14 juill. 2002 de faire du handicap un des trois chantiers prioritaires de son quinquennat, la loi du 11 février 2005 a été adoptée. L’art 2 de la loi propose, pour la 1ère fois une définition législative du handicap, comme une limitation de la participation à la vie en société en raison d’une altération physique ou mentale. L’art 3 de la loi proclame le droit pour toute personne handicapée à la solidarité et au plein exercice de la citoyenneté. Les références sémantiques au projet de vie et au principe de non-discrimination traduisent un renouvellement de l’approche en matière d’insertion du handicap.







I) Malgré les progrès réalisés, les dispositifs d’insertion scolaire et professionnelle ont montré leurs limites

A) L’insertion scolaire et professionnelle

1) La politique d’insertion scolaire avant 2005

La loi du 30 juin 1975 institue l’obligation de formation
Enseignement adapté avec EREA et SEGPA
En milieu ordinaire : CLIS[1] et UPI[2]
CFAS=centre de formation des apprentis spécialisés
AES (=Allocation d’éducation spéciale) si l’apprenti gagne moins de 350 euros sinon peut prétendre à l’AAH

2) L’insertion professionnelle avant 2005

La loi du 23 novembre 1957 introduit la notion de travailleur handicapé
La loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés institue pour tout employeur l’obligation d’employer au moins 6% de travailleurs handicapés. COTOREP est compétente pour reconnaître cette qualité.
Dans la fonction publique : emplois réservés

B) L’insuffisante intégration en milieu ordinaire

1) Scolaire
Le niveau de formation : 93 % des enfants et adolescents scolarisés quittent l’établissement médico-social sans avoir atteint le niveau V.

2) professionnel

La loi du 30 juin 1975 avait pour objectif l’insertion en milieu ordinaire et par exception les établissements spécialisés

Pourtant les chiffres concernant les personnes handicapées et l’emploi témoignent de difficultés persistantes d’accès à l’emploi. 4% d’handicapés employés au lieu des 6%.
23% des handicapés à temps partiel contre 16% dans l’ensemble de la population.
Taux de chômage trois fois supérieur à celle des valides

II) Les réformes pour améliorer l’insertion des personnes handicapées

A) L’impact du droit communautaire et les apports de la loi du 11 février 2005

1) Le droit communautaire

Art 26 de la charte des droits fondamentaux du 7 novembre 2000: droit à l’intégration sociale et professionnelle
Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 : les employeurs doivent permettre accès à l’emploi et à la formation professionnelle

2) Les apports de la loi du 11 février 2005

Principe d’inscription de tous les enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire
La langue des signes est reconnue comme une langue à part entière
32 000 élèves font l’objet d’un accompagnement d’auxiliaires de vie scolaire
Fusion des COTOREP[3] et CDES[4] en CDAPH[5] compétente pour se prononcer sur l’orientation et les mesures d’insertion professionnelle et sociale.

B) De nouvelles perspectives

Le rapport Lachaud en 2006 tourne autour de six axes :
1- promouvoir une "mise en situation professionnelle" pour éviter la rupture entre la sortie de l'école et l'entrée dans le monde du travail
2- favoriser la voie de l'alternance
3- favoriser le tutorat pour les travailleurs handicapés
4- créer un guichet unique pour les entreprises et un interlocuteur référent pour les jeunes handicapés
5- mieux valoriser toutes les actions favorisant l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, et pas uniquement l'embauche
6- créer un label « Solidaire handicap », décerné par la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) pour récompenser les entreprises qui organisent l'accueil et l'accompagnement des travailleurs handicapés

[1] Classe d’intégration scolaire
[2] Unité pédagogique d’intégration
[3] Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel
[4] Commission départementale d’éducation spéciale
[5] Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées

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Questions sociales

Le temps de travail

Introduction :
De façon récurrente, le temps de travail donne lieu à débats entre partenaires sociaux et responsables politiques. En effet, sujet dorénavant sensible, le temps de travail a d’abord dû être défini de façon prétorienne avant que le législateur n’importe les définitions jurisprudentielles.


I) Le temps de travail, une notion plus complexe



A) Ce qu’englobe la notion de temps de travail effectif

3 critères (Cour de cassation 4 mai 1999 Dinoto[2]). :
- Disponibilité à l’égard de l’employeur[1]
- se conformer à ses directives
- ne pas pouvoir vaquer librement à ses occupations

Il faut noter que dans le droit communautaire c'est aussi reconnu (CJCE 3 octobre 2000 SIMAP et CJCE 9 septembre 2003 Jaeger) et cf art. 2 directive 93/104 du 23 novembre 1993 .
Heures de délégation (comité d’entreprise, délégué du personnel, délégué syndical) sont comptées comme du temps de travail effectif.

B) Ce qu’elle n’englobe pas

Les astreintes : droit à compensation (cf CJCE 2000 SIMAP)
Temps de pause et restauration
Temps de trajet : pas du temps de travail[3] mais sert à l’indemnisation des accidents du travail
Temps de déplacement entre vestiaire et pointeuse [4]

II) L’encadrement du temps de travail

A) Par la durée de travail

Loi 1998 et 2000 fixe à 35h[5].
Amplitude horaire : 10h ou plus sur accord collectif ; minimum 11h de repos[6]
directive de 1993 sur l'aménagement du temps de travail
Durée annuelle : 1607 h
Heures supplémentaires/complémentaires pour temps partiel.

Il faut un temps de repos:
Travail le dimanche[7] et les congés payés Pas plus de 6 jours par semaine[8]

B) Les évolutions

Tendance séculaire à la baisse du temps de travail sur le long terme mais face aux enjeux du papy-boom et de la concurrence internationale volonté politique de promouvoir la valeur-travail.
Loi du 20 août 2008: des assouplissements pour les heures supplémentaires avec un moindre recours à l'inspecteur du travail.

[1] L3121-1du code du travail
[2] astreinte avec obligation d’être sur le lieu de travail est du temps de travail effectif
[3] L3121-4 du CT
[4] Chambre sociale de la Cour de cassation du 31 octobre 2007

[5] L3121-10 du CT
[6] L3131-1 du CT
[7] L3132-3 du CT
[8] L3132-1 du CT

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Questions européennes

Sujet d’oral du concours interne de l’ENA en 2004

Liberté d’établissement et libre prestation de service

Concernant les personnes physiques et les personnes morales, la liberté d’établissement et la libre prestation de service sont définies respectivement aux articles 43 ex 52 à 48 ex 58 et aux articles 49 ex 59 à 55 ex 66 du traité CE. La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées, la constitution d’entreprises ainsi que leur gestion dans tout Etat-membre. La libre prestation de service concerne les prestations contre rémunération pour des services industriels, commerciaux, artisanaux et les professions libérales. Ces deux libertés doivent permettre le décloisonnement du marché commun sur le plan économique. Ces libertés sont complémentaires. En effet, la liberté d’établissement concerne la fourniture de biens et la prestation de services par des entreprises s’installant dans un autre Etat-membre. Quant à elle, la libre prestation de service s’opère en restant dans son Etat d’origine. D’abord, il faut cerner ce que recouvrent ces libertés. Puis il faut aussi envisager un arbitrage possible entre ces deux modalités d’activité économique en fonction des régimes fiscaux impliqués.


I) Liberté d’établissement et libre prestation de service

A) Liberté d’établissement

1- Modalités de l’établissement

a) Pour transférer un établissement principal

La liberté d’établissement consiste, entre autres, à pouvoir transférer un établissement dans un autre Etat-membre. Le transfert de l’établissement doit se faire en fonction de la législation de l’Etat nouvellement investi.

b) Pour une extension d’entreprises

Différentes modalités d’extension de l’entreprise mère sont possibles :
- une agence : personne morale mandatée
- une succursale : dépourvue de personnalité morale même si elle dispose d’une autonomie de gestion
- filiale : personne morale dépendante de l’entreprise mère.

2- La présence permanente de l’établissement

a) Des infrastructures pour un service permanent

C’est la permanence du service et non de l’infrastructure qui détermine s’il s’agit de prestation de service ou de liberté d’établissement. « Le caractère temporaire de la prestation n'exclut pas la possibilité pour le prestataire de services, au sens du traité, de se doter, dans l' État membre d' accueil, d' une certaine infrastructure (y compris un bureau, cabinet ou étude) dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l' accomplissement de la prestation en cause. » (CJCE 30 novembre 1995 Gebharth).
Le fait d’être domicilié pour une activité professionnelle entraîne le fait de relever du régime de la liberté d’établissement.


b) Soumission au contrôle de la maison mère

Il faut distinguer intermédiaire indépendant et établissements secondaires. Il faut un contrat durable et que l’établissement appraisse comme le prolongement de la maison mère (CJCE 22 novembre 1978 Somafer).


B) Libre prestation de services

1- Caractère indépendant de la prestation de service
Elle est faite indépendamment d’un autre bien ou service.

2- Caractère temporaire

Il ne faut pas d’implantation durable couplé à une activité permanente sinon il s’agit de liberté d’établissement.




II) Critère de choix entre les deux libertés

A) La fiscalité qui s’applique

1- La liberté d’établissement

C’est l’Etat-membre d’accueil qui applique son régime fiscal.

2- La libre prestation de service

C’est l’Etat d’origine qui applique son régime fiscal.

B) Le bénéfice des libertés

1- Régime alternatif

Un contrat ne peut être conclu dans les deux régimes. La libre prestation de service ne peut être requise si la prestation est régie par d’autres libertés. L’art 51 ex 61 indique un régime spécial pour les service bancaires d’assurance et de transport.

2- Les deux types de personnes en bénéficient

Les personnes physiques ainsi que les personnes morales en bénéficient.

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Questions européennes

Les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives (MEERQ)

Les MEERQ sont interdites tant à l’importation qu’à l’exportation (art 28 et 29 du traité CE). Une définition jurisprudentielle des MEERQ est donné dans l’arrêt CJCE Dassonville du 11 juillet 1974 : « Toute réglementation commerciale des Etats-membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce communautaire est à considérer comme des mesures équivalents à des restrictions quantitatives.»
D’une part, les discriminations ostensibles sont interdites, d’autre part certaines dispositions indistinctement applicables aux nationaux et autres Etats-membres peuvent être censurées (CJCE Cassis de Dijon 20 février 1979 : les réglementations de commerce peuvent être des MEERQ même si elles affectent indistinctement produits nationaux et autres produits intracommunautaires mais un coup d’arrêt à cette jurisprudence est donné avec l’arrêt CJCE Keck 24 novembre 1993 : ne sont des MEERQ que les mesures qui affectent différemment les produits nationaux et les produits communautaires sauf si elles dépassent le cadre des effets propres d’une réglementation de commerce).

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Questions internationales : Relations franco-américaines sous la Ve République






Fruit d’une amitié vieille de plus de deux cent ans, les relations franco-américaines sont placées sous le sceau d’une alliance et d’une coopération constantes entre les deux nations.
Sur le plan politique et militaire, les relations franco-américaines reposent sur des bases solides. Les Etats-Unis ont pu se prévaloir du soutien français lors de la guerre d’indépendance. La France, quant à elle, a pu sortir vainqueur des deux guerres mondiales, en partie grâce à l’intervention américaine en 1917 pour la Première Guerre Mondiale et surtout au débarquement en 1944 pour la Seconde Guerre Mondiale. Ces alliances réciproques, dans ces contextes tragiques, ont ainsi lié les destins des deux pays. Il convient de préciser les principaux acteurs de la politique étrangère, à savoir les chefs d’Etat, le secrétaire d’Etat américain, le ministre français des affaires étrangères, dont le rôle est plus effacé sous la Ve République, le Parlement français et le Congrès américain.
Sur le plan économique et commercial, les Etats-Unis sont des partenaires incontournables, compte tenu de leur puissance. Le plan Marshall d’après-guerre constitue une aide conséquente pour la reconstruction d’une Europe meurtrie et exsangue. Or, il s’avère que la France est le deuxième bénéficiaire de cette aide après le Royaume-Uni.
Pour autant, sous la Ve république, les relations franco-américaines n’en demeurent pas moins complexes. D’une part, le retour du général de Gaulle dans la vie politique française coïncide avec l’avènement du régime en janvier 1959. Or, les conceptions gaulliennes s’accommodent peu avec le leadership américain. D’autre part, le régime porte la marque de son premier président tant sur le plan des institutions que sur celui de la diplomatie et des choix militaires. Il se trouve que les successeurs du général de Gaulle vont reconduire dans les grandes lignes les choix de politique étrangère, avec plus ou moins d’inflexion. C’est ainsi que les intérêts français et américains s’affrontent en raison d’enjeux culturels, diplomatiques, politiques, économiques et commerciaux, faisant vaciller ou osciller leurs relations.
Les crises traversées ont-elles des racines profondes ? Comment les deux alliés et partenaires parviennent-ils à les dépasser ? Pour répondre à ces questions, il convient d’élucider les constantes historiques des relations franco-américaines, en montrant qu’elles oscillent entre coopération et différenciation (I). Il s’agit, enfin, d’envisager les incidences de cette relation complexe sur le binôme franco-américain depuis la redéfinition de la politique américaine en 2001 et notamment suite à la présence américaine en Irak à compter de 2003 (II).

Les relations entre la France et les Etats-Unis oscillent en fonction d’intérêts communs et divergents (I). D’une part, des divergences constantes génèrent des crises dont il faut expliciter les raisons (A). D’autre part, des intérêts communs des deux partenaires perdurent tout au long de la Ve République, justifiant l’alliance et la coopération (B).

Des divergences constantes génèrent des crises dont il faut expliciter les causes (A).

Contrairement à la IVe République qui était résolument proaméricaine, la Ve République est caractérisée par un nouveau virage plus contrasté en matière de relations franco-américaines. La France traverse une période difficile avec la décolonisation notamment de l’Algérie tandis que les Etats-Unis se font les chantres de l’anticolonialisme. L’hégémonie américaine superposé à l’affaiblissement relatif de la France sur la scène internationale, est mal ressentie et entraîne des réactions antiaméricaines. Il faut rappeler que les deux nations nourrissent des ambitions universelles, l’affrontement culturel apparaît inévitable. Dans ce contexte, le retour du général de Gaulle dans la vie politique française constitue un tournant, d’autant que sa stature historique lui confère une légitimité particulière.
Succès militaire, l’expédition de Suez en 1956, s’est soldée par une humiliation diplomatique de la France, qui se retrouvait reléguée au rang de puissance moyenne. C’est donc le refus de cette posture qui est à l’origine des tensions avec les Etats-Unis. Selon l’article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958, le Président est le « garant de l’indépendance nationale ». A ce titre, le général de Gaulle entend promouvoir l’indépendance de la France et lui conférer une véritable grandeur dans le concert des nations, comme il l’indique dans ses Mémoires de guerre : «Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. […] A mon sens, la France ne peut être la France sans la grandeur ».
Pour ce faire, il dénonce le « partage de Yalta » et la coupure du monde en deux blocs. Cette politique d’indépendance se traduit d’un côté par une critique de la guerre du Vietnam au discours de Phnom Penh en 1966, des voyages en URSS et en Chine et de l’autre par des ambitions nucléaires. De Gaulle demande au Président Eisenhower de partager des secrets nucléaires et d’intégrer la France dans une direction tripartite de l’Alliance atlantique. La fin de non recevoir ainsi que la maîtrise de l’arme nucléaire en 1960, se solde par la sortie du commandement intégré de l’OTAN dans sa lettre du 7 mars 1966 au Président Johnson qui marque le point d’orgue des tensions bilatérales. Dès lors, les troupes américaines ne peuvent plus stationner en France et le siège de l’OTAN est transféré à Bruxelles. En réalité, les conceptions stratégiques américaine et française divergent depuis l’adoption de la doctrine des représailles graduées du secrétaire à la défense sous Kennedy, MacNamara, à laquelle s’oppose celle des représailles massives du général de Gaulle. Ces initiatives sont mal perçues Outre-Atlantique. La reconnaissance de la Chine en 1964, apparaît ainsi comme une trahison vis-à-vis de l’ancien allié taïwanais contre les Japonais et de façon plus générale comme une nuisance aux intérêts occidentaux. Même sous la présidence Pompidou, un regain de tensions ressurgit. A cette occasion, le secrétaire d’Etat Henri Kissinger traite la France d’ « enfant rebelle de l’Europe ».
Les tensions au Moyen-Orient donnent lieu à des lectures différentes. Tandis que le soutien américain à Israël reste constant, la France n’hésite pas à critiquer l’Etat hébreu. Il faut reconnaître que la politique arabe de la France, pour des raisons historiques mais aussi économiques, ne s’aligne pas sur la politique américaine.
Une rivalité économique et commerciale oppose les deux pays. Grâce au système de Bretton Woods, la politique monétaire américaine permet d’absorber les déficits commerciaux. Le général de Gaulle dénonce ce système et souhaite un retour au système d’étalon-or.

Après l’effondrement de l’empire soviétique, la signature du traité de Maastricht le 7 février 1992, marque une étape importante de la construction de l’Europe politique. La France, moteur de la construction européenne, est favorable à une Politique Européenne de Sécurité Commune. En 1998, lors du sommet de Saint-Malo, Français et Britanniques envisagent une vraie défense européenne hors du cadre de l’OTAN. Il faut dire qu’entre-temps, l’Europe essuie une humiliation, en se montrant incapable de gérer toute seule les crises d’ex-Yougoslavie. En 1999, l’euro a cours légal et les billets et pièces sont mis en circulation en 2002. Dans ces conditions, les Etats-Unis comprennent que la construction européenne que promeut la France s’opère contre leur unilatéralisme. Ils s’opposent, donc, à cette Europe politique en signifiant clairement que le statu quo doit être maintenu au sujet de l’OTAN. De surcroît, avec la disparition de la menace soviétique, l’Europe n’est plus le centre de gravité de la politique extérieure américaine qui se tourne de plus en plus vers l’Asie et notamment le Moyen-Orient.
Dès la présidence Clinton, la tentation de l’unilatéralisme se pressent même si c’est plus tard, sous la présidence de Georges W. Bush, qu’elle prend sa pleine mesure. La différenciation s’opère sur le théâtre des crises internationales. Par exemple, la France s’oppose à l’embargo en Irak, responsable, selon Amnesty international, de la mort de 500000 enfants.
Par ailleurs les rivalités commerciales s’accroissent. Parfois considérée comme l’âme des peuples, la culture n’est pas en reste dans la concurrence qui oppose les deux rivaux. Initié lors de l’Uruguay Round, le débat sur la libéralisation des services et donc des services culturels, ressurgit en 1998 dans le cadre de l’OCDE, avec l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI). L’industrie culturelle américaine compte pour une large part des exportations américaines. Chef de file de nombre de pays européens, la France défend alors l’exception culturelle. Concept défensif assimilé au protectionnisme, l’exception culturelle est remplacée par la diversité culturelle aux négociations de Seattle à l’OMC en 1999.


Pour autant, ces frictions récurrentes n’aboutissent jamais à la rupture entre les deux partenaires. En effet, des intérêts communs des deux alliés perdurent tout au long de la Ve République. Au fond, la France et les Etats-Unis partagent des valeurs démocratiques communes.

Demeurent des intérêts communs ainsi qu’une longue amitié tout au long de la Ve République (B).



Tout d’abord, le contexte de la Guerre froide se prête aux intérêts réciproques en matière de sécurité. Pour les Etats-Unis, il s’agit de limiter l’expansion du communisme. Pour la France, ce qui est en jeu, c’est sa sécurité. Le traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949, scelle l’alliance, notamment entre les deux pays. En principe, aucun des deux pays n’a intérêt à la remettre en cause. Au fondement des deux nations, l’on trouve la démocratie et les droits de l’homme, parmi lesquels la liberté notamment d’opinion et la propriété privée (art.17 de la déclaration du 26 août 1789). S’ajoutent à ce système de valeurs, les liens historiques de solidarité lors des tragédies mondiales. Rappelons que les Etats-Unis est l’une des seules grandes puissances avec laquelle, la France n’a jamais eu d’affrontement armé. Ces circonstances expliquent sans doute, en partie, le soutien constant de la France à la politique américaine sur les grandes questions stratégiques. Lorsque Khrouchtchev tente de modifier unilatéralement le statut de Berlin en 1958, le général de Gaulle apporte son appui aux Etats-Unis. La cohésion est aussi indéfectible lors de la crise de Cuba en 1962. Une relative détente marque le mandat pompidolien. Des échanges d’informations sont alors possibles dans le domaine nucléaire. La solidarité se renforce sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Au courant des années 1980, lors de la crise des euromissiles, le Président Mitterrand déclare face à la vague de pacifisme en Europe de l’Ouest que « les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles sont à l’Est ». Au final, les Pershing américains peuvent contrebalancer les SS-20 soviétiques.

Ensuite, des intérêts économiques sont partagés dans la mesure où le relèvement et développement de l’Europe est à la fois un atout pour limiter l’expansion du communisme et un moyen d’obtenir des débouchés et ou a contrario des produits importés.

Enfin, la construction européenne est un projet soutenu par les Etats-Unis dans la mesure où il consolide les économies européennes et contribue à une unité qui évite la guerre entre pays européens. Les interventions coûteuses et répétées des Etats-Unis en raison des conflits européens sont une explication à cette volonté de favoriser l’unité. Il s’agira, plus loin, de nuancer ce soutien américain au projet européen et d’en exposer l’ambivalence.

Après l’effondrement de l’empire soviétique, la bipolarisation du monde connaît un terme mais de nouvelles menaces surgissent. La France se rapproche alors des Etats-Unis pour y faire face. Ce « nouvel ordre mondial » doit désormais permettre aux Etats-Unis et à l’Europe de résoudre, de concert, des problèmes politiques et économiques. Après la chute du mur de Berlin, plusieurs opérations militaires communes vont s’exercer. La fin de l’histoire annoncée par Fukuyama, n’est donc pas pour l’immédiat. D’abord, la Guerre du Golfe qui éclate en 1991, illustre les convergences entre les deux diplomaties et ce en dépit des différences idéologiques, entre un Président socialiste d’un côté et un Président Républicain de l’autre. L’opération est une réussite dont les deux pays se félicitent. Ensuite, les crises en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo appellent une coopération militaire entre les deux partenaires.

L’héritage gaullien laissé aux successeurs, est ainsi de nature à imposer aux Etats-Unis un allié qui coopère mais qui sait aussi affirmer sa différence. Cette tradition française conduit donc à une franche opposition après l’entrée en fonction de l’administration Bush.


La politique étrangère de l’administration Bush s’est avérée incompatible avec la vision française, d’où une crise aigüe, que la nouvelle diplomatie française pourrait atténuer (II).

Des tensions diplomatiques, politiques et économiques ont opposé les deux Etats (A).
Premièrement, depuis l’intervention militaire en Irak, les relations franco-américaines sont tendues.
Dès son avènement, l’administration Bush, composée de néoconservateurs, marque un revirement à l’égard du vieux continent. La stabilité au Moyen-Orient et plus particulièrement l’éviction de Saddam Hussein sont des objectifs. Les attentats du 11 septembre 2001 servent alors de caution aux Etats-Unis pour mettre en œuvre les thèses néoconservatrices. Dans le malheur, la France est, bien entendu solidaire avec le peuple américain. Le Président Chirac déclare le soir même : « Jamais aucun pays dans le monde n'a été la cible d'attentats terroristes d'une telle ampleur, ni d'une telle violence. Je veux redire au peuple américain la solidarité de tous les Français dans cette dramatique épreuve. » Le 12 septembre 2001, la France souscrit à la résolution 1368 qui condamne le terrorisme. La clause de solidarité énoncée à l’article 5 du traité de Washington est invoquée dans le cadre de l’OTAN.
D’une façon générale, le vif émoi suscité par les attentats vont permettre aux Etats-Unis d’agir sans véritable caution des Nations Unies d’abord tout d’abord en Afghanistan. La diplomatie américaine prend alors des accents de croisade : « axe du mal », « croisade contre le terrorisme » (expression vite rejetée en raison de son écho historique et émotionnelle dans la région). Le livre de Samuel Huntington, Le choc des civilisations, résume la vision néoconservatrice et inquiète par l’affrontement explicite qu’elle suggère entre monde occidental et monde musulman. La France refuse de s’inscrire dans cette conception qui aboutit à l’invasion de l’Irak le 20 mars 2003, sans caution de l’ONU. Les armes de destruction massives, prétendument cachés, ont servi de prétexte à la guerre et la tension entre les deux Etats atteint son paroxysme quand la France menace d’utiliser son droit de veto. Pour la première fois, cette crise débouche sur une opposition frontale sur un sujet majeur. Le secrétaire d’Etat américain et le Président Bush menacent la France d’incidences fâcheuses pour leurs relations bilatérales. Cet épisode va donner lieu à une vague d’antiaméricanisme d’un côté et de francophobie de l’autre. Il faut dire que cette intervention sans l’aval de l’ONU est un signal fort envoyé à la communauté internationale et aux alliés réticents à les suivre, à savoir que les Etats-Unis, sont susceptibles d’agir seuls et de façon préventive s’ils estiment que leur sécurité est menacée. La potentialité du veto français conduit les alliés britanniques et américains à justifier l’usage de la force par d’autres canaux que Kofi Annan désapprouve. Ils s’appuient sur la résolution 1441, débattue âprement et reconnaissant que l’Irak est en violation patente de ses obligations résultant elle-même de la résolution 687 dont le non-respect réactive la résolution 678 qui autorise l’usage de la force « pour faire respecter et appliquer la résolution 660 (1990) et toutes les résolutions pertinentes ultérieures et pour rétablir la paix et la sécurité internationales dans la région ». La France qui ne souscrit pas à cet argumentaire juridique de circonstance, est classée par les Américains dans la catégorie de la vieille Europe qui serait par ailleurs de Vénus. Ce qui est ici sous-entendu par Robert Kagan, est qu’elle est pacifiste par faiblesse tandis que l’Amérique serait de Mars, avec une ambition de puissance pour imposer la justice. Avec la crise irakienne, s’est donc dessinée une véritable césure.

Deuxièmement, il s’agit d’aborder les tensions commerciales et politiques.
Depuis le sommet de la Terre à Rio, une prise de conscience planétaire, qui a promu le concept de développement durable, émerge. La France est particulièrement sensible à ces questions puisqu’elle a révisé sa Constitution en y intégrant la Charte de l’environnement en 2004. Or, les Etats-Unis, plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, refusent de ratifier le protocole de Kyoto nonobstant le fait que le réchauffement climatique soit un sujet brûlant.


D’autres divergences, tiennent à la différence de modèle de société. La France est strictement laïque tandis que la référence à Dieu est récurrente dans la vie politique américaine. L’Etat-providence demeure un idéal français quand la société américaine verse dans le libéralisme décomplexé.
En dépit de ce libéralisme sur le plan intérieur, des réactions protectionnistes peuvent apparaître sur le plan extérieur. Ainsi, le Président Bush fils a-t-il pris des décisions unilatérales pour limiter les importations d’acier et accroître les subventions agricoles. Après la disparition de l’empire soviétique en 1991, les Etats-Unis perçoivent de plus en plus l’Union européenne comme un rival. A cet effet, les contentieux commerciaux entre les Etats-Unis et l’Union européenne sont légion. Or, ces contentieux portent pour une grande part sur les produits agricoles, à savoir les bananes, le bœuf aux hormones, les OGM sans omettre les subventions agricoles. Il se trouve que la France est un Etat-membre pour qui l’agriculture est un élément fondamental. Sur ce dossier, les intérêts ne peuvent que s’affronter.
Malgré ce contexte de haute tension, des points d’accords persistent. La solidarité contre le terrorisme n’est pas en cause. Malgré la crise irakienne, on peut noter la présence française en Afghanistan avec un millier d’hommes pour l’opération Liberté immuable et la Force Internationale d’Assistance à la Sécurité (FIAS). L’entente se traduit par le vote commun des résolutions 1559, 1664 et 1757 du Conseil de sécurité sur le Liban.

Les choix plus consensuels de la nouvelle diplomatie sont susceptibles d’apaiser les tensions sans pour autant déboucher sur un alignement systématique sur les Etats-Unis (B). L’élection du Président de la République en 2007 suscite de fortes attentes Outre-Atlantique ; les Etats-Unis espèrent que s’amorce un rapprochement bilatéral.

Une orientation plus atlantiste de la diplomatie française semble se dessiner.
Le Président Sarkozy ne cache pas son admiration pour le système de valeurs qui sous-tend la société américaine. Le Président poursuit les coopérations amorcées par son prédécesseur et s’engage dans une diplomatie affirmée aux côtés des Etats-Unis sur les dossiers libanais et syriens. Au plan européen, il esquisse un rapprochement avec les atlantistes de la « nouvelle Europe ».
S’agissant du Moyen-Orient, le Président infléchit la politique du Quai d’Orsay dans un sens moins pro-arabe et plus pro-israélien, en imputant la responsabilité du conflit armé de 2006 au Hezbollah. En suggérant d’inscrire ce parti sur la liste des organisations terroristes et en soutenant le droit d’Israël à se défendre, la France s’aligne sur les Etats-Unis. Les propos du Ministre des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, sur la fermeté qui s’impose à l’égard de Téhéran vont dans ce sens.

Mais il convient de noter des désaccords persistants. Certes, dans ce contexte, la France réapparaît comme étant un allié fidèle. Pour autant, si la nouvelle diplomatie française est assurément alliée, elle n’est pas ralliée. En effet, cette alliance post-gaulliste, ne manque pas de porter certaines tendances lourdes de l’histoire des deux nations, à savoir un partenariat souvent teinté de conflit d’intérêt ou de divergences de vues. Le ton diplomatique moins incisif est en fait plus nuancé. Le Président reconnaît la primeur de la sécurité israélienne mais juge sa riposte au Liban disproportionnée. La fermeté s’impose vis-à-vis de l’Iran mais le nucléaire civil est un droit qui doit lui être reconnu. En matière de défense, l’équilibrage préconisé par la France est davantage en faveur de la PESC que de l’OTAN. Le refus de ratifier le protocole de Kyoto suscite la désapprobation du nouvel hôte de l’Elysée, surtout compte tenu d’un contexte intérieur de « Grenelle de l’environnement ». Enfin, sur le plan politique, l’intervention en Irak n’est guère cautionnée.

Relation turbulente, le rapport entre la France et les Etats-Unis n’en demeure pas moins solide sur les questions essentielles. La grave crise traversée à l’occasion de la guerre en Irak, se dissipe peu à peu avec une nouvelle diplomatie française. Une nouvelle recomposition des relations franco-américaines pourraient aboutir à une transition post-gaulliste, plus susceptible de s’arrimer aux orientations d’Outre-Atlantique. Pour autant, il ne pourrait s’agir que d’une façade stratégique pour mieux défendre les intérêts de la France et de l’Europe. Dans cette perspective, l’avenir des relations entre les deux pays s’inscrirait davantage dans une continuité que dans une rupture.

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Sujet d’oral de questions internationales au concours interne de l’ENA en 2004:
La politique étrangère de la Chine


I) Une puissance qui s’affirme et se confirme

A) Une présence ancienne dans les relations internationales

1) L’émergence de la Chine dans les relations internationales

a) Une politique étrangère en harmonie avec l’URSS

Après la victoire sur le Japon lors de la seconde guerre mondiale (=2GM), les communistes rompent la trêve avec les nationalistes. Actrice sur la scène pacifique durant la 2GM, la Chine émerge dans les relations internationales. Suite à la victoire des communistes sur les nationalistes en 1949, la Chine devient partenaire de l’URSS. Mao Zedong et Staline signent un traité d’amitié de 30 ans en 1950. Fort de son potentiel démographique et de sa situation géostratégique, la Chine joue un rôle de premier plan au début de la guerre froide, à l’occasion de la guerre de Corée (1950-53).

b) La politique triangulaire des Etats-Unis : un danger pour l’URSS

Mais sous Nikita Krouchtchev, l’URSS voit ses relations se dégrader avec la Chine. D’une part, les deux pays se refusent des coopérations militaires. D’autre part, des dissensions idéologiques apparaissent. La tension atteint son paroxysme en 1969 : des affrontements frontaliers ont alors lieu. Or entre-temps, la Chine se dote de l’arme de la dissuasion : l’arme atomique en 1964 et la bombe à hydrogène en 1967. Dès lors elle représente une menace non seulement pour les Etats-Unis, figure de l’impérialisme, mais encore pour l’URSS avec laquelle les tensions se multiplient avant la disparition de Mao Zedong. Sous Nixon, les Etats-Unis exploitent les dissensions entre les frères ennemis et mettent en place une politique triangulaire. La République populaire de Chine est reconnue par les Etats-Unis et siège au Conseil de Sécurité de l’ONU dès 1971 en lieu et place de Taiwan, où les chinois nationalistes se sont installés après leur défaite. Cette entrée à l’ONU signe la reconnaissance de la Chine populaire en tant qu’actrice essentielle dans le concert des nations. Nixon se rend à Pékin en 1972, cette visite marque la normalisation des relations entre les deux pays.


2) De la fin de l’ère maoïste à celle de l’ère Deng Xiaoping

a) Sur le plan économique

Lors du XIème congrès du PCC, Deng Xiaoping lance l’économie socialiste de marché. Le pays s’ouvre donc au monde extérieur et les terres sont décollectivisées.

b) sur le plan diplomatique

Avec l’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev en URSS, des pourparlers s’engagent avec la Chine et aboutissent à la démilitarisation de leur frontière commune en 1985.

B) Une présence croissante dans les relations internationales

1) Une puissance militaire dissuasive

a) Une modernisation militaire

Des dépenses militaires en progression assurent la modernisation de l’armée chinoise. Les forces de projection navales et les missiles balistiques de courte et moyenne portée constituent des domaines particulièrement en progrès.


b) Une puissance au service de la diplomatie : la question de Taiwan

Lors de la crise dans le détroit de Formose en 1995-1996, la Chine a lancé vers Taiwan des missiles susceptibles d’être munis de charges nucléaires afin d’influencer les élections taiwanaises. Elle a également conduit des opérations amphibies de grande envergure à moins de 25 kilomètres de Taiwan.

2) Une puissance économique émergente


a) Un énorme potentiel économique

La croissance économique chinoise est extrêmement rapide (entre 8 et 10%). Son commerce extérieur représente 7% du commerce mondial. Le développement technologique dans les industries électroniques et informatiques, est soutenu par l’afflux des investissements étrangers.


b) La longue marche vers l’économie de marché

Par son adhésion à l’OMC le 11 décembre 2001, la Chine entend retrouver la place due à son rang dans le concert des nations et restaurer symboliquement la respectabilité nationale à l'étranger.

II) Une politique étrangère prudente

A) Un engagement conventionnel rassurant

1) La diplomatie préventive

a) Une limitation des risques nucléaires et chimiques

Plusieurs initiatives marquent la volonté chinoise de limiter les risques nucléaires et chimiques. En 1996, la Chine signe un traité de non prolifération nucléaire arrêtant ses essais nucléaires. L’année suivante, elle ratifie la convention sur l’interdiction des armes chimiques.

b) Une médiation régionale

La Chine réunit les principaux intéressés lors de la crise coréenne en 2002-2003. La crise nucléaire l’amène à prendre ses distances avec la Corée du nord. Ainsi, la Chine cesse momentanément ses livraisons de pétrole à la Corée du nord.

2) Une participation prudente à l’ONU

a) Une Chine non alignée durant la guerre froide

Son adhésion à l’ONU survient en 1971. Elle doit alors servir à la légitimation de la Chine et à la protection contre toute forme d’ingérence dans sa politique intérieure.
Hostile aux Etats-Unis puis brouillée avec l’URSS, la Chine s’attribue un rôle de troisième voie dans le cadre de la guerre froide. La Chine apparaît alors comme le leader des pays non alignés. Durant la première décennie de son adhésion, la Chine choisit de nombreuses absentions lors des résolutions du Conseil de Sécurité. Ce refus de s’impliquer dans la résolution des conflits perdure jusqu’au milieu des années 1980, période à partir desquels les tensions entre l’URSS et les autres membres permanents du Conseil de Sécurité s’apaisent.

b) Une Chine opposée à l’ingérence

Au début de la guerre froide, la Chine s’engage davantage à l’ONU s’opposant ainsi à l’impérialisme américain. Mais l’évolution de l’ONU vers une ingérence dans les questions internes, ne plaît guère à Pékin. Attachée aux concepts de souveraineté et de non-ingérence, la Chine prend à nouveau ses distances avec l’ONU.
B) Un apaisement des tensions

1) Avec les puissances mondiales

a) Les Etats-Unis

Une série de tensions a opposé les Etats-Unis à la Chine : crise du détroit de Taiwan en 1995-96, bombardement par erreur de l’ambassade chinoise à Belgrade en 1999, incident de Hanan avec un avion américain.

b) Le Japon

Le Japon s’inquiète d’une éventuelle menace chinoise.

2) Avec les puissances régionales

a) L’Inde

Rivale de la Chine, l’Inde connaît des tensions avec le Pakistan en 2002. En dépit de cette circonstance, la Chine se rapproche de l’Inde. Sur le plan diplomatique les premiers ministres des deux pays se rendent visite. Sur le plan commercial, les échanges sino-indiens s’intensifient. Sur le plan militaire, les deux pays réalisent pour la première fois des manœuvres militaires communes en 2003.

b) Taiwan

Après de vives tensions entre Taiwan et la Chine, les relations semblent s’apaiser.

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Culture générale


Dissertation de philosophie.

« Penser, c’est dire non ». Alain.
Quel sens et quelle valeur accordez vous à ce jugement ?



Face à l’ordre établi, à la publicité des médias et à la pression sociale, nous cédons souvent à la facilité de donner notre assentiment aux opinions communément admises, qui pourtant engagent l’avenir de la communauté, sans pour autant prendre le temps d’une réflexion indispensable sur ce qui pourrait, le cas échéant, les justifier ou les démentir. S’il est clair que cette attitude est pour le moins courante, elle n’en reste pas moins incompatible avec l’exigence de la raison. C’est sans doute ce constat qui amène le philosophe Alain à affirmer que « Penser, c’est dire non.»
Est-ce à dire pour autant, que quiconque prétendrait penser, se complairait alors dans la négation systématique ?

Pour les Latins, pensare signifiait peser. Penser serait donc, d’un point du vue étymologique, apprécier le poids d’une opinion, ou d’une théorie. Penser, c’est donc faire un travail d’évaluation, au sens où l’on accorde ou non un crédit à un jugement donné. Dans ce sens, penser consisterait à échafauder une réflexion propre dans le but d’effectuer une arbitrage rationnel entre des choix alternatifs.

Cette construction qu’est la pensée ne semble donc n’avoir qu’un but : nous rapprocher de la vérité. Pourtant, les égarements de la pensée sont chose courante. Il n’y a qu’à considérer la foule des déductions sommaires et des propos péremptoires qu’on peut entendre par le truchement des médias, pour s’apercevoir que les fruits de l’activité cérébrale humaine sont rarement l’expression de la vérité. Le chemin qui y conduit semble semé d’embûches, et l’esprit humain se perd sans doute trop souvent dans ses méandres. Le premier piège c’est d’avoir l’impression de penser, alors qu’on se contente d’adopter la pensée des autres. Penser, ce n’est donc pas une chose facile, et demande du courage et de la volonté. Volonté et courage que ne doit pas connaître l’essentiel de nos congénères, lesquels renoncent à penser et préfèrent se vautrer, sans raisonner, dans l’évidence d’un dogme, dont ils n’ont même pas conscience qu’il leur est imposé.
Dans « Qu'est-ce que les Lumières ? » , Kant montre qu’il est moins exigeant, pour un esprit humain, de se laisser guider par d’autres, que de faire le pas de penser par lui-même. La paresse et la lâcheté expliquent que bien des d'hommes préfèrent renoncer à la souveraineté de leur pensée, et se soumettent trop volontiers au tutorat d’autrui. Ce refus de la maturité est commode, en ce qu’il épargne l’effort de la réflexion, mais dangereux, car il soumet définitivement l’individu aux exigences despotiques de son tuteur. Ce dernier ne manquera d’ailleurs pas de le persuader que toute tentative d’émancipation représenterait pour lui un grand danger. Enfermée dans un carcan de fausses vérités, la victime est à ce point manipulée, qu’elle a l’impression d’user encore de son libre arbitre. Cette tutelle est funeste pour Kant, qui exhorte l’homme à ne pas se réduire lui-même en esclavage, en déléguant son pouvoir de juger : « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! »

Le second piège est plus subtil, dans la mesure où il ne s’agit même plus d’être trompé par autrui, mais d’être leurré par son propre manque de lucidité. On ne peut prétendre penser, lorsqu’on se laisse guider par ses sens. Penser, c’est dire non à l’évidence de l’intuition.
Dans le Ménon, de Platon, Socrate explique à Ménon la cause de l’erreur du jeune esclave, auquel il demande de représenter un carré au sol, dont l’aire soit la double de celle du carré que lui même a préalablement dessiné. Spontanément, l’esclave répond qu’il faut doubler la longueur du côté – ce qui naturellement est faux, puisque dans un tel cas, on quadruple l’aire, au lieu de la doubler – et ce n’est qu’après un long travail de questionnement, que Socrate réussit à l’amener vers le bon résultat, à savoir, construire le nouveau carré un utilisant comme côté la diagonale du précédent. L’esclave n’a pas pensé, il s’est contenté de croire qu’il connaissait la réponse, sans prendre le temps d’évaluer sa première intuition. C’est le doute, et lui seul, qui lui a permis de progresser. L’accès à la connaissance passe nécessairement par la remise en cause des préjugés. En ce sens, penser, c’est dire non : non aux opinions, aux préjugés, aux idées préconçues. Penser, c’est refuser d’admettre sans explication, refuser partout, et tout le temps, ces évidences, dont on croit qu’elle n’ont besoin d’aucune justification pour être communément admises. Comme le souligne Montaigne dans ses Essais, « On me fait haïr les choses vraisemblables quand on me les plante pour infaillibles.» (Essais, III, 11 " Des boyteux ").
Le mot grec « krinein » signifie juger. Le concept de jugement s’assimile, dans ce cas, à celui de critique. Or critiquer, n’est-ce pas s’opposer violemment à une idée ? En démonter l’inexactitude ou la fausseté, en un mot, la rejeter ? En ce sens, penser, c’est dire non.


Ainsi, pour penser juste, faut-il souvent brusquer ses contemporains, lutter contre l’inertie des esprits hostiles à toute nouveauté et à tout changement, forcément perturbants. Peut-on dire pour autant, que l’opposition – le fait de dire non – soit une condition suffisante pour prétendre penser ?
On ne peut prétendre sérieusement que l’opposition systématique soit une forme intelligente de pensée. Si penser, c’est souvent dire non, il est des cas où dire non, c’est objectivement refuser de penser. Le rejet systématique et sans justification est tout aussi sujet à caution que l’acquiescement docile. La grande difficulté de l’esprit humain, c’est de penser avec objectivité. Chaque être humain a un vécu, qui lui est propre, et qui oriente ses conceptions du monde. Il est regrettable, mais ô combien fréquent, que nous manquions de discernement dans nos prises de position, influencés que nous sommes par ce que nous avons vécu par le passé. Le farouche rejet de la religion du pharmacien Homais, dans Madame Bovary de Flaubert, et sa vénération quasi mystique de la science et du progrès font de lui en être obtus, borné, et étroit d’esprit, alors que c’est au nom même de l’ouverture d’esprit qu’il prétend s’opposer à la religion et à son influence sur ses contemporains. Homais s’oppose, certes, mais de manière épidermique, et non réfléchie. Son rapport à la religion est passionnel, et son rejet ne peut être considéré comme pensé, mais senti. Flaubert a d’ailleurs fort bien étudié ces mécanismes qui entraînent l’esprit humain à se complaire dans la bêtise. Pour penser, il ne faut donc pas seulement contester, mais le faire à bon escient, en connaissance de cause, et pouvoir justifier son opposition. Quoi de plus agaçant que ces discours militants, appris par cœur, et récités à chaque occasion, qui pour s’opposer n’ont que des justifications doctrinaires et des arguments coupés de toute réalité tangible ?
Cette complaisance dans la négation est incarnée par la figure du sceptique. Le sceptique oppose son doute à toute tentative de justification, et refuse chaque argument sous prétexte qu’on ne peut accéder à aucune certitude. Partir de ce postulat constitue tout simplement le refus d’une échappatoire à l’ignorance. En effet, dés lors qu’aucune certitude n’est accessible, on compromet l’idée même de pensée rationnelle, qui doit permettre d’accéder à la vérité. A ce titre, notre époque est marquée par un courant de pensée, qui tend à prouver qu’en matière de morale, il n’existe pas de vérité universelle, mais qu’il existe différentes morales, chacune fonction de sa culture propre. Cette forme de négation, systématique, est foncièrement destructrice, dans la mesure où elle inhibe toute velléité de dégager des principes moraux universels. Or, Kant, dans Fondements de la Métaphysique des mœurs, montre que la raison fonde objectivement la moralité, laquelle est définie par le désintérêt et l’absence d’affect de pitié. C’est dire que le scepticisme à cet égard compromet l’idée même de moralité, car dès lors que les morales sont relatives, on peut substituer l’une à l’autre, et donc il n’y a plus de morale. La morale au sens kantien est dictée par la raison, donc, refuser cette morale, c’est interdire à sa raison de s’exprimer.
Dans ce cas précis, dire non, ce n’est pas penser ; dire non, c’est nier l’existence d’une possible vérité, et donc tout cheminement intellectuel qui viserait à la découvrir. Nier l’existence de la solution d’un problème, c’est s’empêcher volontairement d’avoir une quelconque chance de pouvoir le régler. Or, s’il advenait qu’on se fut trompé, et qu’effectivement une solution existât, on eût gâché un temps précieux, qui eût été plus utile à la recherche. Dans ce cas, dire non, c’est s’astreindre à ne pas penser.

D’autre part, penser, ce peut être aussi dire oui. Penser, cela peut consister en une franche prise de position en faveur d’une théorie. Peut-on prétendre que l’astrophysicien qui accepte la théorie du big-bang que ses prédécesseurs ont échafaudée refuse de penser ? Ce serait ridicule, et injuste. Contrairement à ce qui se passe couramment en matière d’opinions, le scientifique prend la peine de vérifier le cheminement qui a permis de formuler les théories. C’est en quelque sorte son apprentissage. En science, il n’y a point de soumission, et l’honnêteté intellectuelle est parfaite : tout ce qui est admis au départ, postulat ou hypothèse, peut légitimement être remis en cause, s’il s’avère qu’un fait tangible vient contrarier ne serait-ce qu’une seule de ses conséquences logiques… Le scientifique pense donc, au sens où il construit lui-même sa connaissance, sûr des vérités que d’autres ont rationnellement démontrées, et vigilant à ce que les nouvelles observations ne nient en rien la cohérence de l’ensemble, faute de quoi il tentera de construire une théorie plus vaste qui prendra en compte ces nouveaux faits.

Il n’y a donc pas d’opposition fondamentale entre le fait de penser, et celui d’accepter, pas plus qu’il n’y a de lien consubstantiel avec celui de nier. Penser, ce n’est donc, ni toujours dire oui, ni toujours dire non, mais savoir quand dire l’un ou l’autre, et surtout pouvoir s’en justifier. Penser, c’est donc être convaincu, au sens pascalien du terme, c’est à dire conscient de la vérité, parce qu’elle s’impose par l’entremise de la raison, et non parce qu’elle résulte d’une attitude hétéronome. Telle est la vocation de l’éducateur, qui tente de suivre l’évolution, qui du cocon de l’aveugle obéissance enfantine, via la chrysalide de la révolte adolescente, aboutira à l’envol de l’adulte responsable et autonome, vers sa destinée d’homme libre. Sa liberté ne sera effective qu’à partir du moment où, sûr de lui-même, il saura comment penser, c’est à dire pourquoi adhérer, ou pourquoi réfuter.

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Dissertation de philosophie (6h en Khâgne B/L pour l’ENS)

Sujet : « On est soi de nature, on est autre d’imitation » Diderot



On a coutume de reprocher à celui qui se complait dans l’imitation de ne faire que reproduire ce qui existe déjà. En ce sens, l’imitation correspond à la reproduction artificielle qui vise à s’identifier, à ressembler à un objet qui est l’original. Dans cette perspective l’imitation n’apporte rien de nouveau d’où la formule célèbre : n’imitez pas, innovez. L’imitateur est aussi celui qui joue le rôle d’autrui ; il est celui qui adopte le même comportement, les mêmes manies. Telle est l’imitation du moqueur qui vise à tourner en dérision celui qu’il imite ; telle est également l’imitation de l’admirateur qui érige en modèle la personne imitée. En tous les cas, l’imitation suppose la référence à une altérité, c’est en quoi elle s’oppose à la nature du sujet qui imite. En effet, si le concept de nature renvoie à l’idée d’une essence du sujet, l’imitation en tant qu’elle s’identifie à autrui se démarque de l’identité ontologique du sujet. C’est pourquoi, Diderot affirme qu’on est soi de nature et qu’on est autre d’imitation. Peut-on imiter tout en restant soi-même ? Pourquoi imiter dès lors qu’on s’expose à ne plus être soi-même ?

L’imitation revient à s’identifier à autrui. Elle suppose qu’on mette de côté sa propre identité pour revêtir l’identité d’une altérité. Le contenu de l’imitation se veut donc explicitement différent du sujet qui imite, en ce sens qu’il y a une distinction avouée entre l’imitateur et l’imité. C’est en ce sens que l’acteur imite. Il engage explicitement la distinction de ses actes en tant qu’ils sont la figure de celui qu’il imite. Il s’ensuit que les actions qu’il joue ne lui sont pas imputables mais doivent être attribuées au personnage qu’il joue. L’imitation s’inscrit ainsi dans le rôle d’autrui et non dans le sien propre. Il se dégage de sa nature et revêt la nature d’autrui. Dans son rôle d’imitation, il est donc autre que lui-même.
C’est pourquoi, Platon insiste sur la distinction du poète et du rhapsode dans Ion. Alors que le poète est réellement inspiré des dieux, les rhapsodes ne font qu’imiter les poètes. Le rhapsode ne délivre pas véritablement de message, message qu’il ne comprend pas d’ailleurs. Les rhapsodes s’inscrivent ainsi dans le rôle d’autrui. Leur nature dans ce fond, diffère des poètes qui sont les véritables dépositaires du message des dieux. Ce n’est donc que dans la forme que l’imitation se rapporte à l’objet imité. L’imitation ne prend que l’image et l’apparence de l’imité. C’est pourquoi, il y a supériorité de l’imité sur l’imitateur car celui qui est imité peut être sans être imité tandis que l’imitateur n’existe que pour autant qu’il y a un objet à imiter. Dès lors qu’on s’inscrit dans la logique de l’imitation, on est inféodé à celui qui est imité, à son essence.
L’imitation consiste à reproduire l’image d’autrui. Elle est ainsi de l’ordre de l’artifice. Evoquer un objet d’imitation, c’est signifier son artifice. En imitant, on se définit donc dans la négativité à la fois comme étant la reproduction artificielle de la personne imitée ; mais aussi parce que cette référence à un altérité implique une négation de sa propre nature.


Or l’affirmation de son identité ne saurait se définir dans la négativité. Chez Nietzsche, la volonté de puissance qui correspond à l’affirmation de soi ne saurait être négative. C’est pourquoi, l’instinct se trouve valorisé. L’instinct constitue en effet, un caractère spécifique de soi dans la pensée nietzschéenne. Il fait écho à la nature de soi qui doit être affirmée. Son caractère affirmatif s’oppose à l’incapacité de pouvoir affirmer quelque chose. Si l’imitation suppose une négativité de la nature de soi, l’instinct correspond au miroir positif de la nature de soi. Il ne réfère pas à autrui pour s’affirmer. L’imitation constitue d’une certaine façon un aveu de faiblesse. L’enfant qui imite montre qu’il n’a pas acquis d’identité propre ou tout au moins qu’il ne l’assume pas encore. En ce sens, l’imitation est le signe d’une hétéronomie car elle implique la référence à autrui pour affirmer sa nature d’existant. La nature de soi tient lieu d’authenticité contrairement à l’imitation qui se réfère à autrui.
Quand Rousseau affirme que « l’homme est bon mais la société le corrompt », il ne se réfère pas tant à l’état de nature qu’à la nature de l’homme en tant qu’essence. Le concept de nature implique l’idée d’une essence. C’est pourquoi il est question de la nature d’un problème pour désigner ce qui le constitue. Dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau montre que la question de l’inégalité surgit quand un homme chante pour faire valoir sa belle voix auprès des autres. Une telle attitude instaure un rapport d’inégalité avec autrui car par le chant cet homme se présente comme le meilleur. Or le meilleur correspond au modèle et le modèle constitue ce qu’il faut imiter. On retrouve donc dans l’imitation la dimension de l’inégalité ; celui qui imite est en situation d’infériorité par rapport à la personne imitée. Ce qui est engagé, c’est la corruption de la nature de soi dans l’imitation dans la mesure où elle implique la référence à autrui comme modèle à atteindre. C’est de cette situation que naissent la jalousie, la convoitise et la vanité.
L’anecdote du chant chez Rousseau se fait dans le contexte de la séduction. L’imitation vise en fait un autre résultat ; par exemple la séduction. C’est donc un rôle qui est joué. Pour atteindre ce but l’individu revêt l’imitation. La fausseté de l’imitation réside ainsi dans la non-conformité à la nature de soi. Imiter, c’est voiler son visage et prendre un visage qui n’est pas le sien. Le refus de cette fausseté se traduit dans l’équivalence des formules : « Sois naturel » et « Reste toi-même ». Elles induisent qu’on ne peut être soi-même que dans la mesure où on reste naturel. Autrement dit, on est soi-même quand on ne joue pas de rôle c’est-à-dire quand on ne prend pas de masque. Car imiter un autre c’est prendre un masque. Or les masques se changent donc l’imitation signifie la possibilité de la mutation. Imiter d’une certaine façon revient à muter car on change de visage. Par conséquent, l’imitation ne saurait correspondre à une essence qui implique une continuité. On ne peut donc être soi-même par imitation. En changeant de visage, on vise déjà autre chose que soi-même. Seule donc le fait d’être naturel correspondrait au véritable soi-même.

Pourtant, si on chasse le naturel et qu’il revient au galop, ne peut-on pas concevoir une imitation dont on ressortirait l’être lui-même ?

Il se pourrait en effet qu’on ne soit soi-même que pour autant qu’on imite. Un tel état permettrait de rendre compte du caractère d’être sans essence de l’homme. Si l’imitation correspond au revêtement d’un voile alors l’être de l’homme pourrait se révéler en se voilant derrière les imitations. En fait, cela impliquerait l’impossibilité de circonscrire une essence à l’homme. L’imitation serait la figure de l’appropriation du monde. L’homme peut imiter les animaux mais l’inverse est inconcevable. C’est dire que l’imitation peut être conçue comme un mode d’appropriation du monde. Il y a donc une positivité de l’imitation qui permet ainsi d’affirmer son être.
Le désir a également un caractère mimétique. Doit-on conclure que dans le désir on n’est pas soi-même ? La thèse du désir triangulaire met en évidence l’importance d’autrui dans le désir ; c’est-à-dire que l’objet n’est désiré par un sujet que pour autant qu’il est désiré par un autre sujet. Le fait que l’objet soit convoité attise le désir. Dans le fond, plus il est convoité par autrui plus le désir est attisé. En réalité, le mime du désir sert à s’affirmer, à affirmer son moi. Ce qui est alors engagé, c’est l’affirmation de la supériorité de son désir sur autrui même s’il y a imitation dans un premier temps. Le mime du désir d’autrui n’est donc que le moyen de s’affirmer. Mais, en réalité l’imitation en elle-même n’est pas recherchée ; elle ne sert que d’impératif hypothétique pour s’affirmer. Peut-on rechercher l’imitation en se démarquant explicitement d’autrui ?
Pascal dans la préface au Traité sur le vide, met en valeur l’imitation des anciens. Le progrès de la science suppose l’imitation des anciens, la référence à leur autorité. Mais, il ne s’agit pas de l’imitation entendue comme reproduction à l’identique, car une telle imitation condamne la nouveauté et l’affirmation des nouvelles générations. L’imitation réside dans le principe de la recherche de la vérité qui était chère aux anciens. Ce n’est que pour autant qu’on se réfère à autrui en l’occurrence les anciens, qu’on peut affirmer une identité. En l’occurrence, pour Pascal il s’agit d’imiter en dépassant les découvertes des anciens. L’imitation qui n’est pas reproduction à l’identique permet donc d’aller au-delà. On est donc pas autre que soi-même, même si on se réfère ici à une altérité : l’autorité des anciens.


Croire être soi-même de nature n’est pas sans impliquer de faire des impulsions ou du conditionnement social ce qui est constitutif de soi-même. L’imitation, mode de rapport à autrui, n’est pas moins ambiguë. Signe d’une soumission symbolique ou d’un manque de créativité, l’imitation est aussi le gage du progrès dans la conservation des principes qui le sous-tendent. C’est dire que si l’imitation se réfère forcément à une altérité, elle n’implique pas qu’on soit un autre.

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Sujet d’oral de philosophie de Khâgne B/L de type ENS

Le pardon

Dans leur vie communautaire, les hommes sont amenés à s’affronter les uns les autres. Or, les conflits sont source de haine et de rancœur. Aussi, le pardon apparaît nécessaire pour dépasser cette situation conflictuelle afin de rétablir la paix. Le concept même de pardon implique l’idée de don comme quelque chose d’immérité. Ainsi le pardon semble relever de la gratuité. Mais le pardon suppose également la possibilité d’être soi-même pour les torts qu’on a commis. Le pardon peut-il donc être intéressé ?
D’ailleurs quand bien même le pardon serait désintéressé, il pose malgré tout problème. Il est présenté comme la solution qui par l’oubli ou l’amnistie, permet d’éviter la persistance du conflit. Le pardon peut-il signifier l’oubli voire la négation de la faute pour mettre un terme au conflit ?

I) Le pardon implique la reconnaissance du mal

Le pardon revient à ne plus prendre en compte le mal qu’on a subi. Autrement dit, il s’agit de ne plus tenir rigueur à l’auteur des méfaits dont on est victime. C’est pourquoi le pardon apparaît comme une sorte de don c’est-à-dire qu’on renonce à rendre le mal à autrui. C’est en ce sens qu’on parle du pardon divin. Le pardon divin signifie que le pécheur n’aura pas à « payer » les réparations du mal qu’il a commis. Mais ce pardon passe par la reconnaissance au préalable de ses fautes.
Ainsi, le pardon implique que l’auteur du mal confesse son regret, son repentir. Pardonner suppose donc de non pas la négation du mal perpétré mais la reconnaissance du mal après quoi la mauvaise action du coupable est « oubliée ».
Par conséquent, le pardon semble gratuit ou quasiment gratuit. De ce fait, il s’apparente au don car il n’exige en fait que la reconnaissance du mal commis, d’où l’importance de la confession. Le pardon se révèle être à la fois la reconnaissance de la faute et l’effacement de la faute. En effet, le fait même de pardonner porte en lui la reconnaissance que quelque chose de mal a été commis. Comment ce qui est présenté comme un oubli du mal, peut-il en même temps impliquer sa reconnaissance ?

II) Le pardon implique le sacrifice

Si le pardon implique la reconnaissance du mal, le mal ne peut rester impuni. Au-delà de la reconnaissance orale, le pardon appelle une réparation. L’exemple biblique montre que le pardon nécessite le sacrifice. Ainsi en Israël, le sacrifice était nécessaire quand la loi divine était violée dans l’Ancien testament. Le pardon divin ne survenait que pour autant que la loi du talion était respectée.
Suivant ce modèle, le christianisme fait du sacrifice du Christ une condition nécessaire au pardon de l’humanité. Mais la différence fondamentale réside dans le fait que le pardon correspond réellement à un don gratuit car le pécheur n’est plus à l’origine du sacrifice qu’exige la loi divine. C’est Dieu lui-même qui procède au sacrifice au travers du Christ. On retrouve toutefois la dimension de l’effacement par le symbole du sang qui lave la faute.
Dans certaines sociétés primitives, le pardon passe également par la destruction des biens de celui qui a commis la faute. Il se joue ainsi quelque chose de symbolique puisque la destruction des biens symbolise la destruction des fautes. Par ailleurs, le mal pour le mal semble impardonnable. Le mal absolu qui s’affirme comme tel semble dépasser la sphère du pardon.
Même si le pardon divin est présenté comme le modèle même de ce que doit être la pardon, il reste problématique dans le judaïsme et dans l’islam. Il implique l’idée de sacrifice. Cette dimension sacrificielle met à mal l’idée de gratuité. Le pardon ne serait-il pas gratuit ?

III) Un pardon pur de tout sacrifice est-il possible ?

Si le pardon nécessite un sacrifice de la part de celui qui a commis la faute, alors il ne peut s’agir d’un pur pardon. Or dans le christianisme, le pardon n’implique aucun sacrifice de la part de celui qui a commis la faute. Peut-on envisager un tel pardon dans l’ordre proprement humain ?
Si l’on s’en tient strictement à la raison, il y a nécessité de réparation mais Rousseau a montré que la pitié permet à l’homme de renoncer à une indifférence à l’égard du malheur d’autrui. La pitié peut donc permettre le pardon, néanmoins ce n’est que pour autant qu’on se met à la place d’autrui. Ainsi, la pitié inverse le rapport, on n’a pas pitié de celui qui a subi la mal mais de celui qui l’a commis. Cette inversion est rendu possible par le fait de se mettre à la place du fautif : « Pardonnez comme il vous sera pardonné » dit la bible. Ce mode de pardon est assurément condamné par Nietzsche car il relève de la pitié. D’une part, Nietzsche récuse la morale du ressentiment qui refuse radicalement le pardon alors même que le mal subi ne devrait pas entamer la souveraineté de soi-même. D’autre part, la pitié s’apparente à de la faiblesse contredisant ainsi toute volonté de puissance. Ce pardon par la pitié constitue dès lors un refus de l’affirmation de soi.


Le pardon n’est ainsi possible que pour autant qu’il y a reconnaissance de la faute. On le pense souvent comme étant quelque chose de réciproque ouvrant la possibilité d’être à son tour pardonné. S’il implique la pitié, il n’est pas pur de tout intérêt et s’entache donc d’inclination au sens kantien. Un pur pardon serait un pardon qui n’envisage pas de réciprocité. Or dans la formule du notre père « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », on peut envisager que le chrétien qui pardonne, pardonne afin d’être pardonné. Il pardonne donc par intérêt et compromet ainsi la moralité au sens kantien d’acte désintéressé. Que ce soit par inclination ou par intérêt, le pardon n’est pas un pur pardon. Le véritable pardon serait un pardon qui s’en tient formellement à la reconnaissance de la faute.

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