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19 octobre 2005

Questions internationales Droit international

Comment sanctionner les crimes contre l'humanité perpétrés avant leur définition juridique?

Les crimes contre l'humanité sont définis pour la 1ère fois à l'art. 6 de l'accord de Londres portant statut du Tribunal de Nüremberg du 8 août 1945.

Ces crimes ont été commis avant la conclusion de l'accord de Londres du 8 août 1945, ce qui va servir d'argument pour les personnes inculpées en France dans les années 1970-90, qui invoquent le principe de non-rétroactivité de la loi pénale (art. 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen). Par ailleurs, ils arguent que l'accord de Londres n'indique pas explicitement qu'ils sont imprescriptibles. Mais ce caractère imprescriptible découle d'une part d'une interprétation du ministre des affaires étrangères le 15 juin 1979, lequel est habilité à interpréter les conventions internationales, et d'autre part de la loi du 26 déc. 1964 tendant à constater l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité commis par des personnes « agissant pour le compte des pays européens de l’Axe ». Cette loi fait entrer les dispositions de l'accord en droit interne.

Face à l'évidente extrême gravité des faits et au caractère inédit des crimes, le juge judiciaire est tenu d'apporter une sanction adéquate. Mais la qualification et la sanction apparaissent problématiques. D'un côté, il est difficilement concevable de se borner à condamner les coupables de peines de droit commun pour des chefs d'accusation de droit commun eu égard à la nature particulière des crimes commis. De l'autre, en les condamnant pour crimes contre l'humanité, le juge judiciaire s'expose au problème de la violation du principe de non-rétroactivité des lois pénales, lequel a valeur constitutionnelle (art. 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen).

La Cour de cassation va résoudre ce problème de 3 façons en changeant de jurisprudence.

D'abord, elle sollicite l'interprétation du ministre des affaires étrangères pour établir le caractère imprescriptible des crimes commis et liés au nazisme quel que soit le moment des faits (C.Cass. 30 juin 1976 Touvier). En effet, ce ministre est compétent pour interpréter les traités. Elle invoque les principes généraux du droit des nations civilisées (PGDNC), lesquels reconnaissent le caractère criminel des actes perpétrés. L'art.7 de la convention européenne des droits de l'homme permet de déroger au principe de non-rétroactivité de la loi pénale dans le cas de violation des PGDNC. Elle écarte donc le principe en l'espèce (C.Cass. 26 janvier 1984 Barbie).

Ensuite, une deuxième jurisprudence écarte les arguments de non conformité du traité à la loi interne (dispositions du code pénal) et d'inconstitutionnalité. D'une part, la C. Cass. rappelle la supériorité des traités sur la loi (art. 55 de la Constitution) et d'autre part elle indique "qu'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire de se prononcer sur la constitutionnalité des traités non plus que de la loi". Elle écarte ainsi l'argument d'inconstitutionnalité en se déclarant incompétente pour un contrôle de conformité d'un traité à la constitution (C. Cass. 27 février 1990 Touvier).

Enfin, une troisième jurisprudence ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité de la loi pénale. En effet, la répression des crimes de droit commun, constitutifs de crimes contre l' humanité au sens du statut du tribunal militaire international de Nuremberg relève de la loi nationale. Or, le code pénal de l'époque prévoyait des sanctions de droit commun que le juge se borne à appliquer en les qualifiant de crimes contre l'humanité (C.Cass. 1er juin 1995 Touvier).

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